LE PARTENARIAT EN TRIO

Notre "pierre de Rosette" pour décrypter les doubles liens psychotisants

J.C. BENOIT * (in Thérapie Familiale, 1995, 16, 1, 99-118)
*C.H.Paul Guiraud, 54 Avenue de la République, F-94806 Villejuif-Cedex.

"L’hypothèse du double lien - c. à d. la description de la schizophrénie en tant qu’être mental /the mental description of schizophrenia /- était en soi une contribution à l’épistémologie, et la jauger /evaluate it / était, si vous le voulez bien, un exercice en forme de méta-épistémologie. L’épistémologie elle-même est en train de devenir un sujet récursif, une étude récursive de la récursivité elle- même. Ainsi quiconque rencontre l’hypothèse du double lien rencontre ce problème que l’épistémologie était déjà modifiée par l’hypothèse du double lien, et que cette hypothèse elle-même devait ainsi être approchée avec le mode de pensée nouveau que cette hypothèse avait proposé.
/.../ De temps en temps, on se plaint à moi de la densité de mes écrits et de la difficulté à les comprendre. Si cela peut mettre à l’aise ceux qui trouvent la matière difficile à comprendre, je leur dirai que je me suis moi-même conduit, au fil des ans, en un "lieu" où les affirmations dualistes conventionnelles sur les relations corps-esprit - les dualismes conventionnels du darwinisme, de la psychanalyse, et de la théologie - sont absolument inintelligibles pour moi."

G. BATESON - Afterword, in Brockman J., Ed. : About Bateson. Dutton, New York, 1977, pp. 235-236.

Notre difficulté à comprendreBATESON équivaut à notre difficulté à concevoir que notre perception du monde doit abandonner l’image naïve d’un dialogue possible entre d’une part l’homme expliquant le monde et d’autre part ce monde lui-même. BATESON nous dit que cette dichotomie est impossible ou pathogène, inhumaine. Ma conception du monde est saisie dans la suprématie totale du monde sur moi, homme qui est soumis à l’évolution du monde, et qui sait ceci : "je suis jeté dans le monde".

Ici, le terme "monde" équivaut à l’ensemble des faits biologiques ("la vie") et des faits culturels ("la civilisation", ou société actuelle) irrémédiablement intriqués dans une évolution. Chacun de nous n’est qu’un être humain perdu dans l’être humanité, un mental ("a mind"), un humain perdu dans le mental monde.

La philosophie existentielle dit que l’être humain doit tenter malgré tout de poser son faible regard à la fois sur lui-même en tant qu’être et sur ce monde où sa "déréliction" le jette. Gaston BACHELARD, Maurice MERLEAU-PONTY, ou encore Edgar MORIN... choisis presque au hasard parmi tant d’autres... ont travaillé à traduire cette complexité logique d’une pensée qui valorise l’émotion et le drame humains, malgré le choc rationaliste écrasant des sciences exactes qui triomphent depuis deux siècles.

BATESON permet au clinicien de tirer un parti maximum de "la position basse". Son savoir pluridisciplinaire a fondé la théorie éco-systémique des communications concrètes, vivantes, quotidiennes. Ceci doit nous suffire, après tout, pour notre travail soignant. Les dix années passées avec son équipe de recherche au contact direct de la psychiatrie institutionnelle à…

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