Caulier : GRANDIR AVEC UN PARENT EN SOUFFRANCE PSYCHIQUE

GRANDIR AVEC UN PARENT EN SOUFFRANCE PSYCHIQUE

par Cathy Caulier
cauliercathy@gmail.com

Grandir n’est pas chose aisée.

A chaque jour ses doutes, ses peurs, à chaque instant ses hésitations.
Pour nous aider à parcourir ce chemin, il y a l’autre, celui ou celle sur lequel on peut s’appuyer.

La mère, le père, le frère ou la soeur, un grand parent, un enseignant, un éducateur...qui est là pour nous soutenir, nous encourager, nous permettre d’aller plus loin.

Malgré tout, il y a bien sûr tous ces moments où l’autre n’est pas là, ne nous donne pas de bon conseil et où nous devons nous débrouiller seul.

Mais qu’arrive-t-il lorsque l’autre a « la tête qui ne tourne pas rond », quand l’autre est atteint d’une « maladie mentale » ? Comment ces enfants, dont le parent est en souffrance psychique, grandissent-ils ? A qui confient-ils leurs difficultés, sur qui peuvent-ils s’appuyer ?

Le but de ce texte est d’attirer l’attention des adultes sur la nécessité d’entendre l’enfant qui est le premier à observer la souffrance du parent et qui se retrouve très souvent seul avec ses perceptions, dans une confusion fragilisant son développement cognitif, émotionnel et relationnel.

Il s’adresse à tous les professionnels en contact avec les enfants et leurs familles car tous, quel que soit leur champs d’intervention, sont « des pourvoyeurs d’attention » selon une expression de John Bowlby fondateur de la théorie de l’attachement.

Reposant sur les théories systémiques, les théories de l’attachement et le concept de résilience, il propose une réflexion issue de rencontres avec des familles et des intervenants.

LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE : UNE SITUATION DONT L’ENFANT CHERCHE A PARLER

L’enfant ne trouve pas toujours les mots pour évoquer la maladie de son parent. En effet, l’étrangeté de cette maladie qui ne ressemble pas aux autres, l’intensité de la souffrance mais encore la complexité de la situation peuvent laisser l’enfant sans voix.

Comme l’ enfant est d’une grande loyauté à sa famille, il a beaucoup de pudeur à dire ce qu’il est interdit de dévoiler à l’extérieur puisque la maladie mentale est encore de nos jours un sujet tabou, un objet de désignation et une source de honte.
Toutefois, ces difficultés de l’enfant à s’exprimer sur la souffrance portée par un parent et ressentie par l’ensemble de la famille, soulèvent une autre question : celle de nos propres difficultés à l’entendre.

Entendre un enfant exige de déconstruire certaines de nos représentations et croyances et d’être également attentif à ses modes spécifiques de communication. Bien que nous ayons tous recours au langage verbal et non-verbal pour nous exprimer, l’enfant va surtout utiliser le corps pour traduire ce qu’il désire, ressent et craint.

Son corps montre aussi ce qu’il perçoit chez l’autre, dans les relations de son entourage. Le langage non verbal se traduit par des comportements, des attitudes, postures et mimiques, des tons de voix, parfois des symptômes.

Léo

Il est âgé de 7 ans, il n’a plus vu son père depuis 3 mois, mis en observation suite à un épisode maniaque. Depuis plusieurs semaines Léo ne dort plus, fouille la maison pendant la nuit à la recherche d’un objet chaque fois différent qu’il dit avoir perdu, ce qui l’angoisse. Ce comportement préoccupe beaucoup la mère qui y voit une ressemblance avec l’agitation du père.

Je pourrais m’intéresser d’emblée à ce que Léo sait de l’hospitalisation de son père, aux angoisses de séparation qu’il exprime sans doute au cours de la nuit, au lien entre perte de ses objets et celle du père ou encore aux inquiétudes de la mère qui tend à identifier les comportements de son fils à ceux de son mari.

Toutefois, je décide de poser la question suivante à Léo :

« Qu’est ce qui pourrait t’aider à ne plus perdre tes objets ou à les retrouver plus rapidement ? ».

Il me répond : « appeler papa qui d’habitude sait où je peux les avoir mis ».

A ma question :« Est-il possible de l’appeler pour l’instant ? Tu as déjà demandé ? »

Il sursaute :« Ce serait possible ? Je croyais qu’il était enfermé et qu’on pouvait pas pour l’instant... ».

Un dialogue s’engage et va offrir l’occasion d’échanger ensuite sur cette maladie mystérieuse du père qui l’a amené à l’hôpital.
La mère confirme que c’est habituellement le père qui aide Léo à remettre de l’ordre, ce qui peut paraître étonnant avec sa maladie, précise-t-elle.
Mais je lui fais remarquer que cette maladie lui a peut-être aussi appris à s’organiser pour se débrouiller avec ses difficultés.
De la peur que l’enfant développe des comportements d’agitation similaires au père, nous passons à certaines compétences qu’il transmet aussi à Léo.
De l’idée que le père n’était plus joignable, nous passons aux hypothèses de le contacter, aux possibilités de le faire et aux limites à observer.

Le jeu, les mises en scène que l’enfant réalise avec les jouets, au travers de dessins, de collages, de sculptures de plasticine ou de terre sont également des supports d’expression non verbaux.

La créativité de l’enfant s’exprime aussi dans ses expressions métaphoriques, très souvent utilisées pour tenter de nommer la maladie du parent.
La métaphore peut consister en une description imagée, un dessin, une mise en scène ou un jeu.

Certains enfants parlant des comportements qu’ils observent chez leur parent en souffrance disent : « Maman fait l’autruche, le hérisson, l’escargot, papa a un monstre dans la tête, un nuage dans les yeux ou au dessus de la tête, elle fait la toupie, marche comme un crabe... ».
D’autres s’emparent d’une feuille pour dessiner.

Ana

Elle est âgée de 8 ans, son père souffrait de troubles bipolaires et il s’est suicidé un mois avant que je ne la rencontre avec sa mère. Au cours de l’entretien, elle réalise des dessins de visages dont certains sont coupés…

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