Le Goff : Les impasses de l’autorité Pour une critique systémique de la crise de l’autorité

Trois ans plus tard, la “sémantique de l’autorité” continue à coloniser les familles et les thérapeutes...

Il y a trois ans, j’ai écrit cet article en réponse à la percée dans le champ des psychothérapies d’une « sémantique de l’autorité » qui se proposait de devenir la pensée unique, à la fois le diagnostic et la solution de la crise sociale.

Cet article n’a pas été bien accueilli et il a suscité un certain nombre de réactions négatives comme s’il était devenu tout à fait inadmissible, voire irréaliste, de ne pas traduire les relations, toutes les relations dans les systèmes familiaux, en terme d’autorité. Rien, pas un geste, pas une émotion, pas une interaction, pas une communication ne pouvaient échapper à l’autorité. Ainsi, puisque je refusais ce qui devenait une loi naturelle et évidente, on me reprochait d’être « laxiste », « provocateur », « permissif » et « libertaire » et incapable de me préoccuper des conséquences graves du délitement de l’autorité.

À vrai dire la notion d’autorité est particulièrement floue, elle est difficile à définir clairement, mais elle s’impose de façon irrationnelle pour donner un semblant de rationnel dans les relations humaines. Elle est décrite comme indispensable à la survie des humains et à leur organisation. Tel qu’elle est utilisée, et rabâchée aujourd’hui dans le domaine des psychothérapies et de la psychologie, elle est synonyme de la domination de celui qui « saurait comment faire », et quand il ne sait pas on lui dit comment faire en assurant qu’il n’y arrivera pas, sur celui qui « ne le saurait pas ». L’autre est automatiquement considéré comme celui qui va ou veut brouiller et refuser les règles, c’est en puissance quelqu’un qu’il faut corriger.

Hélas, depuis la publication de cet article, j’ai l’impression que « la sémantique de l’autorité » a encore gagné du terrain dans le langage des thérapeutes, quels que soient leurs orientations, et dans les médias. Les rappels à l’ordre des familles en particulier des familles « outsiders » parfois poliment, mais pompeusement, appelés « soutien à la parentalité » sont devenus un thème banal et la préoccupation des thérapeutes. Ceux-ci sont souvent piégés par cette croyance qu’introduire l’autorité, d’en finir avec les parents démissionnaires et les enfants-rois seraient les objectifs des thérapies. Ainsi, en acceptant cette sémantique, comme naturelle, et ses conséquences, se placent-ils qu’ils le veuillent ou non, qu’ils le souhaitent ou non du côté de ce que Donzelot appelait « la police des familles ». Mais cette police n’est plus celle des années soixante-dix, car personne ne se donne aujourd’hui comme idéal la famille conjugale durable. Dans le monde de consommation dominé par le fétichisme de la marchandise et l’obsolescence de l’humain, on loue les « nouvelles familles ». Ainsi recomposer une famille est devenu l’aventure ultime de ce monde vide où les relations les plus affectives sont colonisées par la marchandisation, mais on stigmatise les familles monoparentales, les familles « trop » nombreuses et les familles « pauvres », soit toutes celles qui échappent à un nouvel ordre qui se prétend libéré des valeurs du passé.

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