Gennart, Vannotti, Zellweger : La maladie chronique : une atteinte à l’histoire des familles.

Résumé :

La maladie chronique : une atteinte à l’histoire des familles. – Cette étude de cas a été conçue dans l’objectif d’évaluer dans quelle mesure une intervention psychosociale, menée à un niveau à la fois individuel et familial, et coordonnée sur un mode interdisciplinaire à l’intérieur du réseau de soin, pouvait contribuer à améliorer la prise en charge des patients chroniques. L’on a choisi pour ce faire le domaine de la pathologie pulmonaire chronique. L’étude, de type qualitatif, impliquait un processus d’investigation et une intervention (d’orientation systémique) étalés sur plusieurs mois et menés auprès d’un nombre restreint de patients et de familles. Les résultats de l’étude mettent en évidence l’impact profond de la maladie chronique sur les proches du patient et, en particulier, sur le développement et les possibilités d’autonomisation des enfants. Cet impact est souvent sous-estimé par les soignants. Les auteurs esquissent dès lors quelques pistes d’intervention à l’usage des praticiens. En aidant les membres de la famille à faire face à la maladie et à gérer les menaces de mort, le médecin agit dans le bien du patient lui-même.

Ainsi s’exprime la fille d’un patient de 56 ans atteint d’une maladie pulmonaire chronique à haut risque vital : « C’est une maladie que lui vit d’une certaine façon et que moi, peut-être, je vivrais de façon totalement différente, dans le sens que lui, il n’a jamais dramatisé ce qu’il avait. [...] Il croit en lui. Il croit qu’avec ce qu’il a, il peut encore... Il n’oublie pas les petites ressources qui peuvent encore être efficaces. Il se laisse peut-être moins prendre que nous, par exemple, qu’on est autour, qu’on se rend compte. Il se laisse moins prendre par la peur. Il se dit que c’est inutile d’avoir peur. Ça le handicaperait encore plus d’avoir peur. »

Thérapie Familiale n°3 , 2001.

La maladie chronique : une atteinte à l’histoire des familles.

M. Gennart, M. Vannotti et J.-P. Zellweger

Michèle Gennart Policlinique Médicale Universitaire Rue César-Roux 19 CH-1005 Lausanne
Introduction

Ressaisie en son niveau de réalité phénoménologique – c’est-à-dire non pas telle qu’on peut l’objectiver en faisant abstraction du vivant qui l’incarne, mais telle qu’elle se réalise dans le monde de la vie « avant » toute intervention médicale cognitive ou pratique – la maladie est un événement qui atteint un corps vivant habité par un sujet. Ce corps habité, traversé par une subjectivité, est tout uniment un corps vivant social : un organisme marqué par l’échange et par la communication intersubjective. Le principe selon lequel la maladie est un événement qui atteint toujours et essentiellement un être social est à comprendre en un double sens. Il signifie tout d’abord que la maladie, en perturbant le fonctionnement biologique, perturbe l’homme en tant que sujet de relations aux partenaires de son environnement. Le fonctionnement biologique étant rien moins que monadique, mais participant de façon constitutive à la structure d’échange liant le sujet vivant à son environnement, il signifie à l’inverse que l’évolution de la maladie est « sensible » à ce qui se déroule et survient entre le patient et son entourage humain.Retour ligne automatique
La reconnaissance de ce principe relatif à la façon proprement humaine de tomber malade, de « faire sa maladie » et, éventuellement, de guérir est particulièrement nécessaire dans le champ de la maladie chronique. Même dans le cas où cette dernière est sous-tendue par une altération organique objectivable et irréversible, nous postulons qu’une constellation de facteurs psychosociaux intervient dans la modulation de la chronicité.

Dans le processus événementiel complexe qui détermine l’évolution clinique du patient, trois dimensions nous semblent particulièrement significatives ; elles exerceraient un effet modulateur sur la chronicité au sens où, en interaction avec le facteur biologique, elles co-détermineraient le devenir de la personne malade. Retour ligne automatique
Il s’agit de :

a) l’expérience « pathique » subjective de la maladie ;

b) la réponse de la famille à la maladie ;

et c) la fonction soignante comme rencontre intersubjective entre les représentants du système de soins et le patient.

Notre expérience conjointe de thérapeutes de famille et de cliniciens à la Policlinique Médicale Universitaire de Lausanne montre avec une évidence répétée et souvent dramatique combien la maladie chronique, loin d’affecter le seul patient qui la porte, peut atteindre les soignants et, bien plus encore, la famille du patient. C’est pour ainsi dire la famille entière qui est « touchée » par la maladie et contrainte de faire face à la perturbation qu’elle constitue. Or, la manière dont le système familial gère et « s’approprie » la maladie de l’un de ses membres n’est pas neutre par rapport à l’évolution clinique du…

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