Gaillard : Modèle systémique : approches théoriques et cliniques.

2ième semestre 2008-2009
Master 1 PSYCHOLOGIE

Modèle systémique : approches théoriques et cliniques.

Cours de Jean-Paul Gaillard

« Le soi-disant spécialiste en sciences du comportement, qui ignore tout de la structure fondamentale de la science
et de 3000 ans de réflexion philosophique et humaniste sur l’homme - qui ne peut définir, par exemple,
ni ce qu’est l’entropie ni ce qu’est un sacrement - ferait mieux de se tenir tranquille,
au lieu d’ajouter sa contribution à la jungle actuelle des hypothèses bâclées. »

G. Bateson 1977 : Vers une écologie de l’esprit 1, p. 17)

Je vais commencer par vous montrer ce que fait un thérapeute confirmé, c’est-à-dire quelqu’un qui a beaucoup travaillé l’épistémologie, la logique les diverses théories et les divers styles liés à divers modèles psychothérapeutiques, dans le même temps qu’il s’impliquait durant plusieurs années dans une formation personnelle en psychothérapie.

Je vais vous montrer des choses qui semblent aller de soi, qui semblent faciles, voire magiques…

Mais quand vous vous y frotterez dans vos stages, vous comprendrez que rien de tout cela n’est facile, qu’il n’y a aucune magie, mais seulement une longue et patiente acquisition de compétences personnelles et professionnelles, associées à une constante curiosité intellectuelle.

Les gens qui chercheraient à vous faire croire qu’il existe des méthodes en psychothérapie qui ne nécessitent aucune formation approfondie seraient tout simplement des menteurs.

Le jeune Robert

Il a bientôt 13 ans, un peu rond, cheveux en brosse, bonne bouille. Le problème invoqué par ses parents pour consulter : il refuse d’aller à l’école depuis 2 ans.

La majorité des psychologues, en France et, dans une moindre mesure, dans les autres pays d’Europe, son toujours prisonniers du vieux paradigme-maître qui a organisé la pensée et l’action des scientifiques, puis de l’ensemble des praticiens, depuis trois siècles : le paradigme mécaniciste.

Les outils pour la pensée et pour l’action dont ils disposent sont donc très réduits et d’une grande pauvreté : réductionnisme, causalité linéaire, causalité précédentielle.

Le psychologue réductionniste se penche donc sur le cas de Robert et lui cherche une difficulté psychique (s’il est d’obédience humaniste) ou comportementale (s’il est d’obédience comportementaliste) personnelle, pour la simple raison qu’il ne peut en imaginer d’autres, qui ne soient ni psychiques, ni comportementale, ni personnelles : pour ainsi refuser d’aller à l’école depuis 2 ans, en se montrant angoissé, agité, affolé, quand ses parents veulent l’y forcer, il est évident que Robert est malade.

Le psychologue réductionniste procédera donc comme il se doit à une évaluation de l’état psychologique de Robert.
Si les seuls outils évaluatifs dont il dispose sont des tests d’intelligence et de personnalité, ou encore des échelles d’angoisse et d’estime de soi, il fera donc passer à Robert sa batterie de tests.

Il se trouve que Robert, quand je l’ai rencontré, était déjà passé entre les mains d’un psy humaniste et d’un psy comportementaliste, sans résultat aucun.
Les diverse batteries de test avaient, en l’occurrence, montré que Robert était un garçon intelligent, qu’il n’était pas psychotique et qu’il ne montrait aucune pathologie évidente.

Espérons que ces psychologues avaient, avant tous ces tests, procédé à une anamnèse très soigneuse, anamnèse réductionniste puisqu’ils n’en connaissent pas d’autre forme : en effet, il peut y avoir un nombre important et très divers de raisons pour refuser d’aller à l’école.

Au cours de l’entretien d’anamnèse, ce psychologue aura dû renseigner plusieurs niveaux :

 peur, liée à un racket, à un harcèlement physique ou moral à l’école (autres élèves, enseignant : bouc émissaire)

 posture sociopathique (rien à foutre de l’école)

 comportement schizophrénique

 comportement psychopathique (fugues, délinquance, drogue)

C’est seulement après avoir éliminé ces possibles que le psychologue commence à penser « phobie scolaire », puisque Robert refuse d’aller à l’école et adopte des comportements d’angoisse quand on l’y incite.

Le problème est que ce type de « phobie » ne nécessite en aucune façon une « structure » phobique.

Remarquons au passage qu’une bonne anamnèse, dans ce genre de difficultés, rend très souvent superflu le passage par une batterie de tests. Mais une bonne anamnèse implique des connaissances suffisamment approfondies en psychopathologie.

Je vous l’ai dit, pour un psychologue réductionniste, Robert est phobique, donc malade.

Effectivement, ses parents pourront dire que, à chaque fois qu’ils tentent de le conduire à l’école, il montre des crises de panique suffisamment impressionnantes pour qu’ils le ramènent très vite à la maison.

Ils diront aussi que Robert, à la maison, est gentil et serviable, qu’il accepte de faire du vélo dans le quartier et même, le week-end, d’aller jouer au foot avec son père. Ces détails, associés à l’élimination des possibles précédemment énumérés, suffiront au psychologue réductionniste pour qu’il verrouille son diagnostic : phobie scolaire, sans qu’il puisse évoquer l’agoraphobie puisque Robert sort volontiers de la maison si ce n’est pour l’école.

A la lumière des résultats de son évaluation, le psychologue réductionniste suggérera un mode d’action visant l’enfant, par exemple une psychothérapie psychanalytique ou du psychodrame s’il est d’obédience humaniste, ou cognitivo-comportementale s’il est d’obédience comportementaliste.

Concernant Robert, les batteries de tests, une série d’entretiens psychologiques individuels de mode psychanalytique, puis une tentative de thérapie cognitivo- comportementale à base confrontation progressive à l’objet jugé phobogène, l’école, n’ont apporté aucun résultat : Robert campe toujours dans la maison familiale.

Le psychologue systémicien, avant de se pencher sur l’intrapsychique, explore les interactions au sein de la famille, ainsi que les contextes familiaux élargis et professionnels des parents. Il agit ainsi pour des raisons…

Pour avoir accès à ce contenu et à des centaines d’autres articles, vous devez faire une demande d’inscription.

Je m’inscris

Si vous avez déjà un compte, connectez-vous à l’aide de ce formulaire.