THERAPIE D’ORIENTATION SYSTEMIQUE

Marco VANNOTTI, Luigi ONNIS, Michèle GENNART

 [1]

1. Contexte socio-historique

La thérapie d’orientation systémique réside en une théorie et en une pratique psychothérapeutiques qui ont en propre de se centrer sur le système interpersonnel de l’homme souffrant.

Plongeant ses racines dans une réaction à l’individualisme que tout un courant psychanalytique très mentaliste ne cessait d’attiser, la psychothérapie d’orientation systémique est née de la tentative d’approcher le patient psychiatrique dans son contexte, et non dans son seul fonctionnement psychique.

Resituant le trouble mental dans le milieu de vie intersubjectif au sein duquel le patient le développe, elle a frayé la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques.

D’un point de vue historique, la famille a été le champ d’intervention premier et privilégié de la thérapie d’orientation systémique, au point qu’aujourd’hui encore, on l’appelle souvent de manière restrictive la « thérapie de famille ».

Ayant en propre de chercher à agir au niveau interpersonnel, cette orientation psychothérapeutique trouve cependant des possibilités d’application en différentes formes de collectivité humaine.

En soulignant l’attention que la psychothérapie systémique nourrit vis-à-vis des aspects relationnels de l’existence, l’on ne peut passer sous silence l’intérêt qu’elle a développé de manière conjointe, et récemment surtout, à l’égard des dimensions tout aussi essentielles que sont d’une part les particularités singulières irréductibles des sujets et, d’autre part, dessinant comme la toile de fond anonyme des relations, la culture et l’histoire des communautés.

Né aux Etats-Unis dans les années 1940 et connaissant dès les années 60 un certain foisonnement de tendances et d’écoles (cf. Elkaïm, 1995 ; Salem, 1987), le paradigme systémique a suscité intérêt et débats dans le champ de la psychiatrie, mais aussi des sciences humaines et sociales, et a donné lieu à
une quantité impressionnante de travaux scientifiques. D’un point de vue historique, nous mentionnerons trois grands courants qui peuvent être considérés comme ses matrices culturelles.

1.1 La théorie des systèmes

La thérapie systémique est née dans le sillage de la révolution scientifique qui, dès la fin des années 1930, au départ de différentes disciplines, a mené à la remise en question du paradigme scientifique classique que l’on peut qualifier d’analytique réductionniste.

Face à la crise suscitée par l’éclatement des spécialités, ce mouvement de renouveau visait à instituer un paradigme qui soit propre à promouvoir le dialogue entre les sciences et, partant, l’évolution vers une compréhension plus intégrée de la réalité. Ce nouveau paradigme se nomma « théorie des
systèmes ».

Son projet était, pour le résumer en une seule maxime, d’élaborer une méthode permettant d’étudier la complexité organisée -registre phénoménologique dont relèvent notamment tous les systèmes vivants.

1.2 La psychanalyse

Ayant pour la plupart été formés à l’école de la psychanalyse, les pionniers de la thérapie systémique se sont amplement expliqués avec elle.

La psychanalyse freudienne s’est en effet intéressée aux constellations familiales et aux aspects de la civilisation susceptibles d’intervenir dans la genèse des problèmes psychopathologiques. Elle est pourtant restée ambivalente quant à l’importance à attribuer à ces influences. Sous sa forme classique, elle a toujours choisi de se focaliser sur la manière dont
l’individu métabolisait ces motifs « externes » dans sa propre constitution psychique.

Après de nombreuses années d’opposition ouverte, nourrie aussi bien par l’antipsychanalysme étroit de Watzlawick que par l’antisystémisme tout aussi borné de certains psychanalystes français, les courants psychanalytique et systémique tendent à reconnaître de part et d’autre leurs convergences ou du moins, leur possible complémentarité : d’un côté, l’importance du « monde intérieur » de l’individu, de la dynamique de ses représentations fantasmatiques et des émotions qui leur sont associées, de l’autre, la réalité interpersonnelle et
sociale de cet individu, que concrétisent ses appartenances à de multiples groupes sociaux.

Dans l’étude de la dynamique des systèmes, la prise en compte de leur histoire, comme de celle des individus qui les composent (cf.…

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